La guerre en Ukraine a, tout le monde le sait et en convient, mis au grand jour la totale
surprise stratégique incarnée par l’utilisation en masse des drones que ce soit pour observer
ou pour detruire. Le phénomène continue d’ailleurs à s’amplifier.
Cette surprise est un signal très grave pour notre peuple car il n’est jamais salutaire d’avoir
une guerre de retard. Ce signal devrait ou aurait du être le signal d’une réflexion approfondie
sur la définition et surtout l’actualisation de notre stratégie militaire, en doctrine comme en
définition et en mise en œuvre des matériels associés. Il convient d’ajouter a cela la vitesse
de réaction et d’adaptation aux nouvelles contraintes du combat.
Pour être un peu plus clair, nos trois armées étaient et sont d’ailleurs encore totalement
incapables de réaliser des raids massifs de drones, a courte, moyenne et longue distance ni
bien sur d’intercepter, a un coût raisonnable, des attaques de ce type. La conclusion sur ce
point est que , face a l’ennemi que l’on ne cesse de designer, nos troupes n’auraient aucune
chance, nos bateaux et nos avions non plus.
Face a cette situation, nous assistons à une tentative désespérée de rattraper le retard, avec
peu de chances de succès à court terme compte tenu des contraintes industrielles et
financières, sans compter ce qui touche a la doctrine d’emploi de ces materiels. Au delà de
ce constat, rien ou peu de choses sont remises en question et on continue comme avant : le
problème du porte-avions, comme celui des avions, n’est pas, semble-t-il, pris avec
suffisamment de clarté :
– Le porte-avions d’abord : tout le monde sait qu’il en faut deux si on veut une
permanence de puissance, les arrêts techniques de ces bâtiments peuvent durer
18 mois ! Cela signifie qu’il faudra demander des trêves a l’ennemi pour survivre, or
personne ne remet ce choix en cause. A cela il faut ajouter une réflexion bien
argumentée sur le rôle des aéronefs pilotes à l’échéance de la mise en service du
nouveau PA ? Ne conviendrait-il pas mieux de tout miser sur des drones beaucoup plus
élaborés que les actuels, de remplacer le futur PA par deux ou trois porte-drones très
élaborés et, si nécessaire pour assurer une bonne « jointure » de prolonger le Charles
de Gaulle de quelques années ?
– Ce n’est là qu’une question, en toute humilité, mais qui mérite d’être posée et débattue
entre gens qui savent et aussi avec les candides qui posent souvent les bonnes
questions.
Ce n’est là qu’un exemple, mais on a trop l’impression que l’on continue comme avant sans
que rien d’essentiel ne soit au moins remis en question. C’est très grave.
Dans l’organisation de notre pays, qui ne joue pas son rôle dans ces domaines ? Je pense
que le personnel politique, par le total désintérêt qu’il montre pour tout ce qui touche a la
défense, il n’est que lire les programmes des partis pour percevoir leur inanité.
Les industriels et ingénieurs de l’Armement ne sont pas en reste qui sont parfois atteints par
le syndrome du paquebot France, du Concorde, et du Charles de Gaulle : c’est beau, c’est
cher, et ne répond pas au vrai besoin de la Défense, ce n’est pas vraiment leur problème.
Les états-majors enfin qui, collectivement car il existe naturellement des exceptions
individuelles, tous issus de la même formation, ne remettent pas en cause avec assez de
force, les choix qu’on leur impose : par exemple, le choix de mettre deux équipages par
bateau de surface pour en construire moitié moins en arguant du fait que la permanence à la
mer n’est ainsi pas diminuée ! De qui se moque-t-on ? Si ce raisonnement peut tenir en
temps de paix, il est ridicule en temps de guerre ou, comme pour les porte-avions, on ne
peut pas attendre ; la aussi, ce n’est qu’un exemple.
Tout ce qui précède montre que notre outil de Défense, malgré l’excellence extraordinaire
des personnels qui le servent l’arme, fut-elle numérique à la main, nécessite une profonde
reforme, notamment sur la formation de personnel politique (ENA par exemple) mais aussi
de la relation entre l’Armement et les Forces : dernier exemple : j’ai accepté récemment de
contribuer a la réflexion d’un parti dans le domaine de l’industrie de Défense dont le
responsable travaille sans avoir la moindre idée de l’évolution de la réflexion stratégique en
cours et donc des besoins futurs de nos armées, c’est vraiment ahurissant.
Merci d’avoir pris un peu de votre temps pour lire ce qui précède et de ne pas hésiter à
exprimer votre point de vue, directement pour les membres et via le site pour les autres.
Pour que vivent nos Armées et notre beau pays.
PIERRE-LOUIS SANTOS
PRESIDENT DU CERCLE ALBERT ROCHE.